Ca y est ! Nous sommes entrés dans la grande semaine, avec vous qui participez par l’image à cette célébration. Notre prière va accompagner tous particulièrement les huit catéchumènes de la communauté de paroisses qui auraient dûs être baptisés à Pâques. Leur présence est précieuse ; ils stimulent les vieux baptisés que nous sommes et nous rappellent que nous aurons à renouveler à Pâques les promesses de notre baptême. Utilisons le confinement qui nous est imposé, et prenons un peu de temps chaque jour pour fixer les yeux sur le Christ de manière à accueillir la grâce que demande l’oraison de ce dimanche : retenir les enseignements de la Passion du Sauveur et avoir part à sa Résurrection.
Etymologiquement, le mot « Passion »signifie souffrance. Le récit de la Passion selon St Matthieu que nous venons d’entendre est poignant. Des raffinements de cruauté s’ajoutent au lynchage et à la mort infâme de Jésus sur la Croix. Ce qui est vertigineux pour le cœur et l’esprit de ceux qui confessent chaque dimanche dans le « Credo »que Jésus s’il est véritablement homme est aussi « vrai Dieu né du vrai Dieu », c’est de prendre conscience qu’en Jésus , Dieu a subi les offenses, les outrages, cette violence, cette cruauté et cette mort réservée aux pires des criminels.
Le dimanche des Rameaux et de la Passion nous oblige à confronter le mystère de l’Incarnation à l’énigme du mal et de la souffrance, et à nous situer nous-mêmes face à l’énigme et au mystère.
Jésus, dans la parabole du jugement ; en Mth 25, nous éclaire sur l’attitude de Dieu face à l’homme qui souffre : « j’avais soif, j’étais nu, malade, en prison, étranger ». Il s’identifie à l’homme qui souffre. Paul Claudel a , là-dessus, une phrase très éclairante : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance , Il n’est même pas venu l’expliquer, mais Il est venu la remplir de sa Présence ».
Dieu connaît d’expérience la souffrance. Il a souffert de la souffrance de l’innocent accusé sur faux témoignage, de la souffrance du prisonnier, de la souffrance de condamné et du supplicié. Ayant souffert ce que l’être humain peut souffrir de peine, Dieu peut compatir et s’identifier à lui. C’est l’intuition qui est montée dans le cœur d’Elie Wiesel à Auschwitz et qu’il rapporte dans « La nuit », récit de son témoignage bouleversant. Il raconte en particulier la scène entrevue d’un enfant pendu dans le camp par les SS avec deux autres personnes. Contrairement à ces deux personnes qui meurent tout de suite, écrit Wiesel, plus d’une demi-heure, l’enfant reste ainsi , à lutter entre la vie et la mort, agonisant sous nos yeux. Et nous devions le regarder bien en face. Derrière moi un homme demandait : « où donc est Dieu ? L’enfant était encore vivant quand je passai devant lui. Sa langue était encore rouge, ses yeux pas encore éteints. Derrière moi, j’entendis le même homme demander : « où donc est Dieu ? » Et je sentais en moi une voix qui lui répondait : « où il est ? Le voici. Il est pendu ici, à ctte potence. »
Dieu, le vrai Dieu, qui est l’Amour, miséricorde, compassion. Le vrai Dieu est Vie. S’il est essentiel de retenir les enseignements de la Passion du Sauveur pour vivre d’une mystique concrète qui permette de reconnaître Dieu dans tout frère humain qui souffre et de mettre en œuvre les moyens de le consoler, le visiter, le libérer, le guérir. Il est non moins essentiel d’accueillir l’autre grâce demandée aujourd’hui : « Avoir part à la Résurrection du Sauveur ». Autrement dit, il s’agitde LE suivre jusqu’au bout, le chemin de la Croix est le chemin de la Vie, du Salut. Au bout de la mort traversée, il y a la plénitude de la Vie. N’attendons pas la mort pour passer du côté de la Vie. Après lamort de Georges Bernanos,, on a retrouvé des carnets sur lesquels ils notaient ses méditations, dont celle que j’ai déjà citée an partie : « De la même manière dont Dieu se sacrifie sur chaque autel où se célèbre la messe, Il recommence à mourir dans chaque homme à l’agonie. Nous voulons tout ce qu’Il veut, mais nous ne savons pas que nous le voulons, nous ne nous connaissons pas, le péché nous fait vivre à la surface de nous-mêmes, nous ne rentrons en nous que pour mourir, et c’est là qu’Il nous attend ».
N’attendons pas la mort physique pour rentrer en nous-mêmes et nous ouvrir au Tout Autre qui est en nous, et qui frappe à la porte de notre cœur . LUI qui est la Vie, ne demande qu’à entrer pour nous donner la Vie nous donner part à son Esprit.
Allez ! Les yeux fixés sur le Christ, montons courageusement vers Pâques avec une certitude : l’Amour et la Vie seront toujours les grands vainqueurs ! Amen !